Le pèlerinage à Saint Thomas
Lundi de Pentecôte 1866…
Il fait beau. Comme tous les ans, les habitants d’Aizier sont montés en pèlerinage à la chapelle St Thomas. C’est une tradition plusieurs fois centenaire. On y vient prier pour la guérison des fièvres de marais, si fréquentes au bord de Seine. Partie de l’église, la procession s’est étirée tout le long du chemin au son des cantiques traditionnels. La bannière rouge des hommes sera bientôt arrivée. Le curé a revêtu la chape dorée des grandes cérémonies. Elle est un peu lourde et il apprécie maintenant la fraîcheur des sous-bois après la rude montée de la cavée.L’autel, orné de fougères et de fleurs, apporte une note de gaîtée dans ces ruines. Les petits clergeaux sont nombreux et peu disciplinés. La fumée odorante de l’encensoir se mêle à l’odeur des feuilles et de la mare sacrée.En cette année, 1866, Charles Delphin MORIN est maire du village. C’est un robuste cultivateur de 49 ans. L’année précédente, il a prêté serment à la constitution et fidélité à l’Empereur Napoléon III. Il est également maître de la charité. C’est à lui que revient l’honneur de porter la bannière verte ornée des effigies de la Vierge et de Saint Pierre.Derrière lui : 3 charitons surveillent les torchères de bois peint. On reconnaît : Laurent Désiré COIGNARD qui a laissé son comptoir de recette-buraliste aux mains de son employé. A son côté, le garde forestier Paul MARETTE et Jean Eugène CLEROUT, capitaine de navire et conseiller municipal. Il habite momentanément à Aizier chez ses beaux-parents.Dans sa dalmatique noire brodée d’or, le « clocheteux » est Jacques CARON, descendant d’une très ancienne famille du village. Il est heureux d’agiter ses tintenelles.La bannière blanche des enfants rassemble les petits en costume des dimanches. Les fillettes en ont profités pour mettre une robe d’été. Il y a Ismérie AUBERT, Marie-Césarine PREVOST, Marie-Alphonsine COQUIN et la jolie Zulma PULVEY, la petite fille du boulanger du village. La bannière mauve des dames est portée par Madame Pierre HOC, née Anastasie MORIN – elle est la sœur du maire.Les dames ont revêtu leurs habits neufs, tout juste sortis des mains habiles du tailleur d’Aizier Jacques-Emile HELLEY, dont le frère exerce encore un métier aujourd’hui disparu « bas-estamier ». La cérémonie terminée, les enfants redescendront au village en courant, laissant, loin derrière eux, les adultes et leurs problèmes. Les jeunes filles feront des nœuds aux branches de coudriers pour trouver un mari et le silence va retomber sur les ruines de la chapelle.